Les chants d’oiseaux (et d’autres animaux), présents dans toutes mes œuvres, à l’exception de Asmarâ op. 9, pour chœur mixte a cappella, ont une fonction importante dans la texture, l’équilibrage de la forme, et le « fini » du développement général.
Il peut s’agir de véritables thèmes, étalés et largement développés sur une séquence entière ; ils peuvent aussi être restreints à de discrets ornements, plus ou moins complexes, souvent répétitifs, ou se développant par répétition sous forme de petites polyphonies à variations internes. Leur rôle principal est de corriger des coupes peu régulières, en créant des pulsations de grande, moyenne ou petite amplitude, qui assouplissent les ruptures ou certains « passages » d’une séquence à une autre.
Chaque oiseau – ou autre animal – est en étroite relation avec une « histoire » symbolique sous-jacente, et apparaît toujours à un toujours à un moment déterminé pour une fonction précise, parfois secrète ou « initiatique », induisant alors une surcharge ou un transfert de sens dans le discours musical. Il n’existe aucune gratuité dans leurs interventions.
Il est tout à fait exceptionnel qu’un chant d’oiseau soit transcrit pour lui-même, c’est-à-dire aussi proche que possible du modèle d’origine. C’est ainsi que procédait Olivier Messiaen. Mon propos est différent.
La plupart du temps, seules les caractéristiques générales – ou certaines caractéristiques seulement – sont retenues, selon les besoins du moment. Ce peut être uniquement le timbre de la voix, « traduit » par tel timbre d’orchestration, ou de registration, lorsqu’il s’agit d’un ouvrage pour orgue ; une inflexion mélodique ou un rythme, typiques du chant de l’espèce, permettant d’identifier immédiatement l’animal sur le terrain ; une harmonie, ou telle autre composante significative de la phrase-type du chant territorial, nuptial, de combat, ou de demande en duo chez les espèces polyphonistes… Une bonne connaissance de l’ensemble du répertoire de l’espèce est indispensable à qui veut reconstituer la dérivation d’un motif musical inspiré d’une source d’origine animale.
Il arrive aussi que ne soit retenue qu’une particularité comportementale, observée d’abord sur le terrain, dans certaines conditions, puis « exprimée » musicalement, par analogie, lorsqu’elle est symboliquement chargée de sens.
Extrait de « Qṣar Ghilâne », genèse d’une création, Jean-Louis Florentz (inédit, dépôt légal SNAC 5-3285)